
Il est si facile de quitter son corps, de s’échapper pour ne plus rien ressentir, se fabriquer une carapace pour se protéger du monde. Pourtant cette carapace devient de plus en plus étroite et la protection devient un enfermement.
Je m’étais faîte la promesse de ne plus jamais m’évader. Je m’étais persuadée que ressentir était vivre, que bon ou mauvais, chaque sentiment valait la peine d’être traversé. J’étais convaincue que les pires émotions étaient des enseignements pour nous faire grandir. J’avais redécouvert le plaisir du soleil qui réchauffe, le bonheur de l’eau qui coule sur la peau. je m’étais reconnectée à tous les petits plaisirs de la vie, rêvant d’écrire un nouveau chapitre. Je savais que ce bonheur ne serait pas là au quotidien. Je savais qu’il y aurait d’autres nuages à traverser. mais je m’imaginais réussir. J’avais traverser le très gros temps, je me sentais armée à présent.
J’ai connu des soleils, j’ai cru toucher mes rêves. Au lieu de me laisser porter, j’ai voulu comprendre. mais là, petits à petits tout s’est transformé en chimère. Peu importe, j’avais mon objectif, j’allais réussir. Je me suis épuisée à vouloir m’améliorer. De déception en échec je me suis convaincue que mon but m’était inatteignable. Ressentir c’est vivre, mais vivre c’est souffrir.
Alors maintenant je sais, que de guerre lasse, un jour je quitterai mon corps pour décoller à nouveau et aller encore plus haut. Allez là où plus personne ne pourra venir me chercher. On me déclarera démente. On mettra en avant mon grand âge. Personne ne comprendra que je suis partie dans un univers que je me suis choisi. Je me serai fabriqué un cocon où tout sera sécure, tendre, doux, confortable. Un endroit où je ne me sentirai plus jamais vulnérable. Je construirai cet endroit que je n’aurais pas su trouver sur terre. Je quitterai ce monde terrestre où tout n’est que compétition, conflit, combat, bagarre, travail, acharnement, solitude et faux semblant. Moi, je veux mon univers de tendresse, de douceur, de calme, de compréhension, de tolérance et d’amour. J’y ajouterai des fleurs, des papillons, des parfums, de la lumière, de la chaleur, de l’herbe fraiche.
Pour mes enfants, je deviendrai la maman et la mamie folle mais heureuse. Je serai sereine, j’aurais trouvé l’apaisement. La vie terrestre ne m’atteindra plus, je serai à l’abri de tout. Je resterai dans mon monde. Puis, un jour quand je serai vieille, très vieille, alors je déciderai de partir à l’étage supérieur en ne laissant que le souvenir de mon sourire et de ma folie sur cette terre.